Bruno GIRAUDON La somatopathie

La somatopathie

La somatopathie : « soma » est le mot qui désignait le corps en grec ancien. En médecine, les symptômes somatiques sont les signes cliniques en lien avec le corps par opposition aux symptômes psychiques en lien avec l’esprit. L’expression d’un symptôme ne préjuge en rien son origine. En effet, un symptôme somatique peut avoir pour origine une souffrance purement physique ou une souffrance psychique (on parle alors de psychosomatique) ou bien encore les deux à la fois. La somatisation est le fait d’exprimer ou ressentir une souffrance physique en réponse à un stress, un traumatisme ou une souffrance psychique.

La somatopathie est une approche manuelle et informationnelle de type énergétique permettant de libérer les différents tissus corporels des tensions générées par les somatisations et émotions vécues tout le long de l’existence ou transmises de façon transgénérationnelle.

Elle découle des découvertes de Maurice Raymond Poyet (1928-1996) et de Pierre Camille Vernet, « disciple » et élève de Poyet qui, tout en poursuivant les recherches et travaux de son mentor, a mis en lumière des lésions tissulaires appelées zones figées en lien avec la notion de relation (dans le sens : lien, rapport avec les autres), base de l’engagement social.

L’expression de la vie est mouvement, c’est bien ce qui permet de la différencier de l’inerte. Le tout premier mouvement de la vie est la fécondation, qui elle-même n’est possible que dans la relation entre un homme et une femme. A partir de ce moment, la relation existe d’abord entre un père et une mère le temps de la grossesse ; puis, après la naissance, elle se transforme en triade entre un père, une mère et un enfant. Le fondement de la somatopathie est cette relation triangulaire.

La théorie de la somatopathie

La somatopathie a conceptualisé la théorie des 3 x 9 mois comme la base idéale de la construction de l’être, reposant sur les phases suivantes :

1- La nidification (de – 9 mois à la conception) : c’est la période qui précède la conception, résultat d’un désir conscient ou inconscient. Cette période représente l’espace de maturation de la relation amoureuse : le désir, incarnation de l’amour, de prime abord de l’autre, est partagé, puis grandit pour devenir un désir d’enfant. L’amour dépasse les limites du couple pour imposer un besoin d’incarnation. Cette période définit la qualité du nid qui recevra l’œuf. Pour cela, il doit y avoir un respect réciproque et un équilibre du territoire féminin et masculin. La fécondation (le point zéro) donne du sens à la relation parentale et initie le mouvement de la vie par une projection vers l’avenir sans attente ni projet autre que d’accueillir : c’est la naissance de l’amour inconditionnel.

2- La grossesse (de la conception à la naissance) : c’est la période des 9 mois de la vie prénatale. C’est aussi pour l’enfant le début de la relation d’abord avec sa mère, puis par son intermédiaire avec son père. Bien évidemment, la qualité de la nidification aura un impact direct sur la qualité du lien de l’enfant avec ses parents in utero.

3- La période nourricière (de l’accouchement à 9 mois) : c’est la période des 9 mois de grossesse extra-utérine. Elle est en lien avec la caractéristique humaine de naître à un stade de développement beaucoup moins avancé comparé aux autres mammifères qui, eux, sont beaucoup moins dépendants de leurs parents en terme de survie. Cette naissance, comme « avant terme », est imposée par le développement du volume cérébral qui empêcherait l’accouchement en créant un diamètre crânien de l’enfant trop grand par rapport aux diamètres pelviens de la mère s’il était mené à terme in utero. Ce phénomène de prématurité de la naissance humaine par rapport à un état plus mature de celle des autres mammifères s’appelle la néoténie.

La naissance (le point 1) est la concrétisation de la parentalité, le moment de la rencontre entre une femme pleinement mère qui accompagne l’enfant hors d’elle et un homme pleinement père qui rassure et protège aussi bien sa compagne que l’enfant qui vient au monde. Cette période permet la mise en place et le développement de l’attachement affectif qui unira pour des années l’enfant à ses parents. Là aussi, la qualité de la naissance et de la grossesse aura un impact direct sur la qualité de la relation parents-enfant.

Comme je l’ai écrit plus haut, Pierre Camille Vernet a mis en lumière les zones figées que l’on retrouve au niveau du crâne et au niveau des viscères mais avec quelques différences entre les deux.

Les lésions crâniennes

En ce qui concerne le crâne, il existe trois niveaux lésionnels :

1- La zone figée est axée sur un point d’ossification (bourgeon originel du tissu osseux qui formera à terme un os, ce dernier pouvant être composé par un seul ou plusieurs points d’ossification). A la palpation, elle donne une sensation tissulaire de fixité (d’où son appellation « zone figée ») par rapport aux tissus environnants et correspond à l’impact de peurs non intégrées de la personne elle-même ou de l’un de ses ascendants. Sa localisation dans le territoire crânien dépend de la tonalité émotionnelle de ces stress.

2- Les sutures (nom des articulations entre les os du crâne) avoisinantes à l’os impacté par la zone figée, peuvent être perturbées dans leur mobilité. Ces lésions correspondent à la notion traumatique en lien avec le stress qui a induit la zone figée. Généralement, elles sont retrouvées suite à des incidents de la vie personnelle de la personne ; beaucoup plus rarement, car l’épisode stressant doit être particulièrement violent, de l’un de ses ascendants. On peut aussi trouver des lésions intra-osseuses au niveau des synchondroses (articulations cartilagineuses temporaires entre différents points d’ossification d’un os, elles disparaissent à la fin de la croissance osseuse) qui traduisent, le plus souvent, des stress précoces en vie intra-utérine car à la naissance, la majorité de ces synchondroses ont disparu mais leur impact se perçoit toujours en intra-osseux.

3- Les hypodensités donnent à la palpation, une sensation d’effondrement de la structure osseuse entraînant une perte de mobilité et de motilité. Elles correspondent à des souffrances identiques répétées sur plusieurs générations, entraînant à force et peu à peu, une modification en profondeur de la densité de l’os impacté. Le blocage, créé autour d’un point fixe, traduit aussi bien un point dur limitant le développement psychique que le schéma corporel par la décompensation qu’il entraîne. Ces hypodensités font parties du patrimoine émotionnel transmis et inconscient de la personne.

Les lésions viscérales

En ce qui concerne les viscères, il existe aussi trois niveaux lésionnels :

1- La perte de mobilité d’un organe survient quand la personne s’est habituée à résister ou ignorer ses émotions. L’énergie de ces dernières est alors prise en charge par les viscères, via le système nerveux autonome ( comme l’explique la médecine traditionnelle chinoise) ; ce qui leur impose un surcroît de travail amenant la perte de mobilité.

2- Les lésions de glissement dans l’organe lui-même quand sa structure le permet (par exemple quand il possède plusieurs lobes) correspond à la nature traumatique des chocs émotionnels.

3- Les rétractations tissulaires pouvant aller jusqu’à une immobilisation fibrillatoire complète donnent à la palpation, une sensation de densité particulière. Elles correspondent à des mémoires transgénérationnelles semblant être mises en place par un mécanisme de survie de l’espèce expliqué par l’épigénétique (étude des changements dans l’activité des gènes n’impliquant pas de modification de l’ADN mais pouvant être transmis et réversibles) : un individu transmet inconsciemment à sa descendance (petits-enfants) la mémoire d’un stress aigu face à une situation impliquant sa survie comme pour les préparer à être en alerte dans une situation similaire, ce qui leur donnera un avantage en terme de survie. Le problème est que de répétition en répétition, même de faible intensité, l’organe est impacté dans sa trophicité pouvant engendrer une dysfonction ou une modification de forme (kyste, adénome, etc).

Impact de ces lésions

Toutes ces lésions ou tensions tissulaires sont de fins mécanismes compensatoires de l’organisme lui permettant une adaptation aussi bien à ce qui se passe dans son environnement extérieur qu’aux états émotionnels mis en jeu par les réflexes archaïques de survie face à cet environnement : par exemple, une peur de la mort ou de l’abandon lors d’une séparation. La situation et le type de lésion permettent d’avoir une idée de l’émotion primaire déclenchante et si elle a été activée dans le cadre du vécu personnel du patient, celui de ces parents ou bien celui de ces ancêtres. Dans ce dernier cas, la répétition d’événements récurrents et similaires sur plusieurs générations familiales induit une modification épigénétique s’inscrivant dans l’héritage émotionnel inconscient de la personne engrammant son vécu existentiel.

Ces lésions ou tensions tissulaires, par l’intermédiaire des méninges, des fascias et du système nerveux autonome impactent donc aussi bien le système immunitaire et hormonal que toute la structure corporelle de la personne et donc sa posture, en créant des zones figées périphériques compensatoires.

Ce mécanisme est similaire à celui de l’adaptation d’une souffrance ou d’un traumatisme purement physique ; l’organisme essaye de répartir au mieux les contraintes pour éviter le maximum de dégâts et permettre la survie dans des conditions optimales. Le cerveau archaïque fonctionnant de manière réflexe, ne différencie pas les origines des souffrances qu’elles soient physiques, émotionnelles ou mixtes et donc les gère toutes de la même manière comme décrit ci-dessus.

Ce mécanisme qui est une excellente chose sur le court terme, peut ne pas l’être sur le long terme. Car cette adaptation mobilise des tissus plus que leur physiologie normale, faisant le lit de leur dysfonction et d’une évolution vers la pathologie chronique, tout en consommant une énergie qui n’est plus disponible pour la vie quotidienne, restreignant d’autant le potentiel vital mobilisable pour une existence heureuse et harmonieuse.

Mon vécu thérapeutique de la somatopathie

C’est pour cette raison que dès que j’ai eu découvert cette méthode, je l’ai intégrée en routine dans mon protocole de soins car elle renforce parfaitement mon objectif thérapeutique : être le plus globaliste et holistique possible dans la prise en charge de mes patients. En effet, même s’il est important et nécessaire de traiter les symptômes et douleurs déclenchant la demande de consultation, d’après mon expérience, la prise en compte de ces dernières dans la globalité de la personne donne des résultats bien meilleurs en évitant ou en réduisant grandement les récidives et/ou en retardant leur venue.

Au niveau physique

L’utilisation en routine de la somatopathie m’a ainsi montré que quasi systématiquement, il y a des lésions somato-émotionnelles inconscientes en lien avec le vécu des patients et leurs problèmes physiques. Ce qu’ils vivent quotidiennement, résonne et re-stimule des mémoires de problématiques anciennes non résolues personnelles, familiales ou transgénérationnelles faisant alors clignoter des voyants douloureux dans l’organisme.

On peut faire taire ces voyants (il existe une multitude de techniques et moyens pour cela), ils ne sont que des fusibles. Tant que les lésions somatopathiques n’auront pas été rééquilibrées, la récidive et la récurrence de ces altérations émotionnelles et comportementales ne pourront que renforcer la survenue de ces symptômes douloureux, le plus souvent en les aggravant. En effet, tout événement peut potentiellement réactiver une mémoire inconsciente, et ceci même avec une intensité bien plus faible que l’originale et souvent sans rapport « apparemment » au niveau conscient ; alors qu’inconsciemment, ce rapport existe et peut se révéler. Ainsi une chronicité réactionnelle et compensatoire disproportionnée tant au niveau émotionnel que physique, peut générer une pathologie s’installant dans la durée, devenant de plus en plus sévère et profonde pour finir au stade ultime au niveau organique.

L’utilisation en routine de la somatopathie m’a aussi montré qu’elle permettait de balayer et de nettoyer beaucoup de lésions à distance. En effet, après corrections des lésions somatopathiques, je ne retrouve plus, comme avant que j’intègre cette méthode à ma pratique, nombre de lésions ostéopathiques « classiques » que je devais couramment corriger. Il y a moins de corrections à effectuer, la mobilité et motilité tissulaire sont relancées bien plus facilement grâce au déparasitage de toutes les compensations surajoutées et des fascias plus détendus et mobiles.

Au niveau émotionnel

La somatopathie permet aussi bien de redonner une amplitude physiologique tissulaire que la libération d’émotions ou de résistances générées par les peurs pour sa survie. Le patient peut éventuellement accéder à une partie inconsciente de son fonctionnement personnel et/ou familial, lui permettant de se libérer peu à peu du carcan érigé pour pouvoir survivre aux traumatismes auxquels il a été confronté (ou bien ses ancêtres). Car si un carcan permet de passer les coups durs en offrant une protection nécessaire pour continuer à vivre ; il est aussi une prison quand on ne peut plus en sortir pour pouvoir grandir et exprimer librement tout son potentiel de vie.

La somatopathie apporte donc des résultats étonnants et spectaculaires au niveau physique et postural mais permet aussi pour ceux qui le désirent, de découvrir des liens entre leur vécu quotidien, la façon dont ils le vivent et le ressentent parfois douloureusement. Comprendre son fonctionnement psychique acquis ou transmis inconsciemment et son retentissement physique, émotionnel et relationnel permet de changer son point de vue et découvrir des schémas inconscients personnels et/ou familiaux dont il est possible de se libérer par leur mise en conscience et par le choix de ne plus les faire perdurer s’ils ne sont plus aidants.

Certains de mes patients, enthousiasmés par cette méthode, viennent maintenant justement dans un objectif de transformation comportementale et de découverte d’eux même.